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Surveillez l'écart (convergent) entre valeurs de rendement et de croissance
Calendar07 May 2021
Thème: Investir
Maison de fonds: M&G Investments

Par Richard Halle, gérant du fonds M&G (Lux) European Strategic Value

Richard halle
Richard Halle
La rotation des valeurs de croissance vers les valeurs de rendement (appelée « value ») ne fait que commencer. Malgré la récente reprise, les actions "value" n'ont pas encore retrouvé leurs niveaux d'avant la crise.

Il y a neuf mois, j'écrivais que les années 2020 seraient la décennie des actifs bon marché. À l'époque, les journaux financiers étaient inondés de titres annonçant "la fin de la gestion value". Nous pensions que le marché capitulait après une décennie de sous-performance pour ce style de gestion. Après une reprise amorcée en septembre dernier, et des mouvements plus violents au moment des annonces sur les vaccins COVID en novembre, la grande rotation value semble désormais enclenchée.

Un changement de régime en vue ?

L'un des principaux facteurs qui a contribué à la sous-performance durable des valeurs de rendement est la tendance à la baisse des taux d'intérêt mondiaux au cours des 40 dernières années. Rien de surprenant donc à ce que cette rotation se produise avec la remontée des taux. Si le récent rebond semble assez spectaculaire, le rendement des obligations d'État reste incroyablement bas par rapport aux niveaux historiques. Peu de chance selon moi de baisser encore. Par conséquent, qu'ils augmentent ou non, la situation actuelle est favorable pour la gestion value. Les freins auxquels les valeurs de rendement ont été confrontées au cours des dix dernières années du fait de la baisse des rendements obligataires pourrait enfin se dissiper.

L’autre frein qu’ont connu les valeurs de rendement a été la montée en puissance des entreprises mondiales monopolistiques qui ont connu une croissance fulgurante au cours des dernières années. Nous constatons que ces entreprises commencent à se faire concurrence, comme en témoignent la multiplication des offres de contenu numérique, la course à la technologie automobile et même le lancement de monnaie numérique. Par ailleurs, les réglementations commencent à rattraper ces entreprises "autrefois disruptives". Les gouvernements se sont en effet penchés sur leurs pratiques en matière de paiement ou sur le comportement des entreprises de médias sociaux.

Tous ces phénomènes cumulés sont annonciateurs selon moi de mauvaises surprises pour ces sociétés en situation de surenchère.

Cependant, en dépit de cette rotation soudaine et violente vers la gestion value, l'écart de valorisation entre les segments les plus chers et les moins chers du marché n'a jamais été aussi important. L'écart entre le ratio cours/valeur comptable du quartile supérieur et celui du quartile inférieur est toujours à son plus haut niveau depuis plusieurs décennies.

Certains pourraient affirmer que l'écart de valorisation est dû à l'accélération du potentiel de bénéfices de la partie supérieure du marché dans un environnement économique en mutation. Mais ce n’est pas le cas. Si la dispersion entre les segments les plus chers et les moins chers du marché n'a cessé de croître depuis la crise financière mondiale, c'est dû principalement à la revalorisation des actions de ce segment le plus cher, et moins à la croissance réelle de leurs bénéfices. Pour nous, cela signifie un gros potentiel pour une nouvelle compression des valorisations dans le segment le plus cher du marché.

Le principal moteur du "retour de la value" réside, selon moi, dans cette dispersion non durable des valorisations. À mesure que le changement de régime s'amorce, la source de la croissance est susceptible d’évoluer. La remise en question de la capacité à durer des rendements de la partie supérieur du marché devrait entraîner un vaste recul des valorisations. Et devrait en revanche, accroître les opportunités de rendement de la partie inférieure et exercer une pression à la hausse sur les valorisations.

Ce mouvement est déjà en cours comme nous avons pu le voir au cours des derniers mois. Les valeurs de rendement sont en train de devenir les valeurs du moment. En l’absence quasi-totale d'actifs fournissant de bons rendements, les valeurs de rendement pourraient être l'une des rares sources pour les investisseurs.

Bien que confiants quant au retour du style "value", nous sommes néanmoins conscients que certains secteurs "value" typiques font face à nombreux défis structurels, accentués dans la période post-Covid.

Si au cours des dernières années, les investisseurs se sont contentés d'investir dans les plus grandes entreprises du marché boursier américain, la tendance semble désormais s'inverser et devenir particulièrement propice à la création de valeur par les gérants actifs. Le stock picking est un exercice complexe qui consiste à équilibrer le risque et la valorisation. Un exercice qui a, temporairement, perdu de son importance lorsque le marché était soutenu par des thèmes forts de croissance anormale, de taux d'intérêt bas prolongés et de transformation économique. En fin de compte, la valorisation et la sélection de titres sont essentielles.

Si le quartile le moins cher du marché est un terrain de chasse riche en opportunités d'investissement à long terme, il existe néanmoins de nombreux « value trap » (pièges de valorisation). De plus en plus d'investisseurs s'intéressent à ce style réalisant des investissements inconsidérés dans des actions bon marché. La rotation vers les valeurs de rendement ne fait que commencer et malgré la récente reprise, ces actions n'ont pas encore retrouvé leurs niveaux d'avant la crise.

Néanmoins cette rotation pourrait être une opportunité unique pour les investisseurs, et même le début d'une tendance qui définira la décennie actuelle. Avec une sélection rigoureuse des titres, les opportunités à venir sont très enthousiasmantes.