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Bitcoin : véritable innovation technologique ou engouement passager?
Calendar25 Jun 2021
Thème: Crypto

Jan Viebig, CIO private wealth management & Laurent Denize, CIO asset management, ODDO BHF AM

Les bouleversements commencent souvent avec une idée révolutionnaire. Ainsi, Satoshi Nakamoto a proposé un système de paiement électronique décentralisé en 2008. Il a mis au point un réseau regroupant des participants disposant tous des mêmes droits et dans lequel les transactions effectuées sont stockées dans une banque de données et regroupées par bloc.

Ces chaînes de transactions forment la « blockchain », qui est exploitée par un grand nombre de participants avec un logiciel libre sur des nœuds de réseau décentralisés.

Ces «mineurs» vérifient les transactions, les rassemblent pour former des blocs qui sont ensuite cryptés à l’aide d’un code appelé «hash». L’ensemble de ce processus, qui constitue une «preuve de travail», nécessite une grande puissance de calcul et donc beaucoup d’énergie. Le travail des mineurs est rémunéré en bitcoins. Le nombre maximum possible de bitcoins est de 21 millions et il en circule à l’heure actuelle près de 19,1 millions. Le dernier sera probablement créé en 2140. Si l’on multiplie le nombre de bitcoins en circulation par le cours le plus haut enregistré à ce jour, soit 63 410 USD le 15 avril 2021, l’on parvient à un actif en bitcoins d’environ 1200 milliards USD.

Les économistes parlent de bulle spéculative lorsque le prix de l’actif est dissocié de ses fondamentaux. L’évolution du bitcoin, qui est passé de moins de 10 cents en juillet 2010 à plus de 60 000 USD récemment, n’est pas sans rappeler la hausse vertigineuse du cours des bulbes de tulipe au XVIIe siècle. La bitcoin-mania se répand très vite, surtout parmi les jeunes cosmopolites, séduits par ses promesses de richesse, de progrès technologique et d'indépendance par rapport aux Institutions.

Cependant, contrairement aux actions, aux obligations ou à l’immobilier, le bitcoin n’a pas de valeur intrinsèque. Lorsque l’on achète des actions par exemple, l’on détient une partie d’une entreprise dont la valeur dépend de ses flux de trésorerie prévisionnels. Or, il est impossible de déterminer la valeur du bitcoin avec des modèles de valorisation classiques. Le niveau de son cours repose uniquement sur l’espoir que son nombre demeure limité et que la demande croissante le fasse grimper. La flambée du cours du bitcoin survenue ces derniers mois s’explique principalement par le fait qu’il est de plus en plus accepté dans les grandes entreprises (voir le graphique 1). Aux États-Unis, des prestataires de services comme Paypal permettent à leurs utilisateurs de régler leurs achats en bitcoins. Larry Fink, le directeur général de Blackrock, la plus grosse société de gestion d’actifs au monde, a récemment changé d’avis sur le bitcoin et estime désormais qu’il pourrait devenir une « grande classe d’actifs ».

En février 2021, le cours s’est envolé après qu’Elon Musk, le patron de Tesla, a annoncé que l’entreprise avait acheté 1,5 milliard USD de bitcoins et qu’elle les acceptait désormais comme monnaie de paiement. Elon Musk a toutefois fait volte-face en mai 2021 en déclarant qu’il n’acceptait plus les paiements en bitcoins, au motif que le minage consomme beaucoup trop d’énergie, dont une grande part est issue du charbon plutôt que de sources renouvelables.

Il n’est pas nouveau que le minage nécessite une énergie considérable et que les activités minières se situent très majoritairement en Chine, où l’électricité est largement produite à partir du charbon.

Des chercheurs de l’université de Cambridge ont mis au point l’indice de consommation électrique du bitcoin. D’après leurs calculs, le minage de bitcoin consomme plus de 133 térawattheures d’électricité par an, soit plus que la consommation énergétique annuelle de la Suède, l’Ukraine, la Norvège ou l’Argentine. L’on peut donc se demander quels avantages apporte le bitcoin à la société. Il fait partie de ce que l’on appelle les cryptomonnaies. Les économistes attribuent des fonctions bien précises aux monnaies : moyen de paiement, une mesure de la valeur et une réserve de valeur. Une monnaie dont la valeur peut doubler ou diminuer de moitié en quelques semaines ne constitue pas un moyen de paiement, une mesure de valeur ou une réserve de valeur efficace. Le bitcoin est beaucoup trop volatile pour de telles utilisations. (voir le graphique 2).

La position de nombreuses autorités mondiales à cet égard est aussi très critique. Christine Lagarde, la présidente de la BCE, a déclaré par exemple que le bitcoin « est un actif hautement spéculatif, qui a donné lieu à de drôles d’affaires et à des activités de blanchiment d’argent intéressantes et totalement répréhensibles ». La Banque mondiale a récemment refusé d’aider le Salvador à faire du bitcoin un moyen de paiement en raison de ses lacunes en matière d’environnement et de transparence. Enfin, Augustín Carstens, directeur de la Banque des règlements internationaux (BRI), s’est montré encore plus clair dans un entretien accordé au magazine allemand Der Spiegel, déclarant « le bitcoin n’est bon qu’à deux choses, spéculer et payer des rançons ».

La blockchain est une technologie innovante et disruptive, mais il est déconseillé d’utiliser le bitcoin par souci de durabilité. La cryptomonnaie reste donc uniquement un instrument de spéculation. Si l’on apprécie les importantes fluctuations de cours et que l’on ne s’embarrasse guère des aspects liés au développement durable, on peut vouloir en acheter. Compte tenu de sa forte volatilité, le bitcoin ne convient toutefois en aucun cas aux investisseurs rétifs au risque qui souhaitent des placements de long terme.

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