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Interview du mois - David Ross (La Financière de l’Echiquier) : « Les financières doivent aujourd’hui être privilégiées »
Calendar04 Feb 2022
David ross la financier de l'echiquier
David Ross
La Financière de l'Echiquier

David Ross (La Financière de l’Echiquier) estime que la croissance va changer de visage durant la prochaine décennie, et favoriser les entreprises disposant de la capacité de fixer leur prix de vente, de contrôler leurs coûts opérationnels, et d’avoir une organisation logistique solide.

Echiquier World Equity Growth est un des fonds de référence du gestionnaire parisien La Financière de l’Echiquier (LFDE). Il affiche une performance annualisée proche de 12% durant la dernière décennie, avec des actifs sous gestion d’environ un milliard d’euros. Il s’agit également d’un fonds très concentré, avec une vingtaine de valeurs dans le portefeuille. Nous avons récemment eu l’occasion de nous entretenir avec David Ross, qui gère ce produit depuis 2014.

Dans les grandes lignes, quelles sont les principales caractéristiques de votre fonds ?

David Ross : « Nous sommes concentrés sur quelques grandes tendances de long terme, sans contraintes géographiques ou sectorielles. Nous ne sommes toutefois pas aveugles au risque - d’investir par exemple sur une thématique qui deviendrait trop chère - , et nous avons la liberté de pouvoir nous exposer sur ce que nous considérons comme étant les meilleures opportunités disponibles au niveau mondial ».

Comment avez-vous traversé la crise sanitaire ?

D.R. : « J’ai connu de nombreuses crises depuis l’effondrement du marché japonais à la fin de années 80. Durant une crise majeure, vous ne devez pas vous laisser submerger par vos émotions. Lors du déclenchement de l’épidémie, notre portefeuille est resté inchangé, et nous avons commencé à acheter lorsque les autorités sont intervenues massivement pour soutenir les économies, en privilégiant les sociétés qui allaient être en mesure de récupérer rapidement le volume d’activité perdu durant la crise, comme Stryker ou Disney, qui est devenu une des plus importantes positions de notre stratégie à cette époque-là ».

B>Comment analysez-vous la situation actuelle ?

D.R. : « Nous sommes aujourd’hui sur le point de connaître une nouvelle forme de guerre froide, qui pourrait avoir des implications majeures sur nos économies et sur les marchés financiers. Il y a trente ans, l’ouverture de la Chine et de l’Europe de l’Est avait eu un impact majeur sur les attentes inflationnistes, en apportant une masse de travailleurs peu chers au niveau mondial, avec des chaînes logistiques qui ont été progressivement délocalisées dans les pays à bas coût. Nous sommes aujourd’hui en train de sortir de ce monde, et la crise sanitaire n’a fait qu’accélérer le besoin d’assurer ses approvisionnements en biens essentiels. Après les masques chirurgicaux et les vaccins, tout le monde prend conscience aujourd’hui de la nécessité de s’approvisionner en semi-conducteurs, essentiels pour assurer le développement économique futur. Nous nous dirigeons donc vers des chaînes logistiques plus courtes, avec moins de pouvoir de négociation pour les fournisseurs, une situation qui est fondamentalement plus inflationniste que par le passé ».

Le retour de l’inflation risque-t-il de remettre en cause les thématiques de croissance ?

D.R. : « Il sera beaucoup plus difficile de proposer un service gratuit en espérant pouvoir le rentabiliser quelques années plus tard. Cela se traduit pour notre stratégie d’investissement par une hausse de l’exposition aux entreprises qui sont en mesure d’adapter leurs prix à la hausse, un élément qui va devenir une nécessité absolue dans cet environnement. Il faut également être particulièrement attentifs à l’évolution des coûts opérationnels, et privilégier des équipes dirigeantes qui démontrent une bonne connaissance de cet aspect dans leur gestion. La prochaine décennie sera bénéfique, comme dans les années 80, aux sociétés qui contrôlent leurs prix et leur chaîne d’approvisionnement, avec des capacités de stockage dans les différentes régions du monde ».

Ces changements ont-ils eu un impact sur l’équilibre sectoriel du portefeuille ?

D.R. : « Nous sommes davantage exposés aux valeurs financières, dont la rentabilité va être automatiquement soutenue par la hausse des taux. Nous apprécions également certaines valeurs industrielles, notamment les champions de la logistique qui seront dans leur élément dans cette nouvelle ère. A l’inverse, nous avons fortement réduit notre exposition sur la technologie à moins de 20%, alors que le poids du secteur financier est grimpé à près de 30% de notre portefeuille ».

Est-ce la fin du secteur technologique tel que nous l’avons connu ces 10 dernières années ?

D.R. : « Vers la fin de l’année 2021, les valorisations avaient atteint des niveaux élevés, avec des sociétés valorisées à 80 voire 100 fois leur chiffre d’affaires. Parmi les jeunes valeurs du secteur technologique, après dix ans de hausse des chiffres d’affaires, personne n’a l’expérience de la gestion des coûts dans un environnement inflationniste. A l’inverse, Amazon .com est géré de manière très conservatrice avec une attention permanente aux coûts opérationnels. En définitive, le résultat net reste le meilleur indicateur de la valeur d’une entreprise. La valorisation reste primordiale : Microsoft , qui est une des positions les plus importantes du portefeuille, est selon moi une des meilleures compagnies de tous les temps. Pourtant, si vous aviez acheté Microsoft en mai 2000, la valorisation du titre était telle que vous auriez dû attendre 15 ans avant de pouvoir dégager une performance boursière positive. Des groupes comme Intel ou Cisco n’ont jamais retrouvé leur niveau d’avant ».

Que faut-il aujourd’hui penser de la Chine en tant qu’investisseur ?

D.R. : « Depuis janvier 2020, nous sommes progressivement sortis de ce marché. Dans ce nouveau contexte économique, le pays ne retrouvera pas les niveaux de croissance qu’il a connus par le passé. Pour la première fois depuis longtemps, nous sommes revenus vers l’Europe, et avons pris des positions sur des sociétés comme Inditex pour s’exposer sur la réouverture des commerces, ou AstraZeneca en raison de la richesse de leur carnet de commandes. ».