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Macroscope : De 5 à 7
Calendar15 Feb 2022
Thème: Macro

Par Clément Inbona, Fund Manager La Financière de l’Echiquier.

Branle-bas de combat à la Fed : la publication de la hausse des prix à la consommation en janvier dernier pointe de nouveau vers un accès de fièvre inflationniste. Sous tous les angles, cette publication met la Réserve fédérale dans une position délicate. Tout d’abord de nouveaux sommets sont atteints : +7,5% pour les prix à la consommation sur un an, +6,0% pour les chiffres corrigés des composantes les plus volatiles que sont l’énergie et l’alimentation. Il est nécessaire de revenir 40 ans en arrière pour trouver des niveaux si élevés. Ensuite, ces deux chiffres dépassent de nouveau les attentes du consensus sondé par Bloomberg, il s’agit donc d’une (nouvelle) mauvaise surprise. Enfin, une part de plus en plus large des composantes de l’inflation affichent des hausses significatives. Initialement circonscrite à l’énergie, aux transports et à certains biens, l’inflation se diffuse peu à peu à tous les pans de la consommation : logement, services, équipements, etc.

Ni les marchés, ni la Fed ne pouvaient donc rester de marbre face au risque de dérapage incontrôlé.

Rappelons tout d’abord que depuis août 2020, la Fed a redéfini le cadre de son mandat pour cibler une trajectoire de hausse moyenne des prix à 2% sur le long terme, et non plus une « variation proche mais inférieure à 2% » par an. Elle est ainsi devenue comptable de la trajectoire de prix passés. Si l’on regarde justement cette trajectoire, nous constatons qu’elle a connu une augmentation moyenne de +5,7% par an et de +4,5% pour l’inflation « cœur ». Bien au-delà de la trajectoire qu’elle s’était fixée. Si la Fed déjà a déjà durci le ton en décembre, puis de nouveau en janvier lors de ses réunions, elle doit désormais aller plus vite, plus fort et plus loin.

Plus vite. Ce sera peut-être le cas dès ce lundi de Saint Valentin où une réunion hors du calendrier préétabli vient d’être fixée. L’hypothèse d’une hausse anticipée n’est pas impossible, mais tout de même peu probable. Traditionnellement, ces rencontres inopinées sont de nature à prendre des mesures accommodantes face à l’urgence d’une crise. Et depuis 1994, la Fed n’a jamais pris de telles décisions restrictives dans ce cadre.

Plus fort. Si l’on en croit les déclarations de James Bullard du jeudi 10 février qui a déclaré envisager une double hausse dès mars, c’est-à-dire des taux directeurs plus élevés de +0,50%, puis deux hausses supplémentaires d’ici juillet. Soulignons que cette déclaration est contradictoire à sa prise de parole récente, le 1er février il déclarait à l’agence de presse Reuters « Je ne crois pas qu’une hausse de 0,50% nous aide vraiment en ce moment ».

Plus loin, car malgré un marché du travail qui converge vers une situation de plein-emploi, les hausses de salaires ne parviennent pas à suivre… Les revenus salariés des ménages américains s’érodent de plus de 3% en termes réels sur un an. Lutter contre l’inflation par la politique monétaire permettrait de redonner du pouvoir d’achat aux ménages. Il sera cependant nécessaire de faire preuve de délicatesse afin de ne pas brider trop violemment la croissance créatrice d’emplois qui atterrit doucement après le pic post-covid.

Face à ce nouveau paradigme, les marchés n’ont pas tardé à réagir non plus. Alors que début février, le marché des taux anticipait déjà 5 hausses de taux de 25 points de base pour 2022, 10 jours plus tard il en anticipe 7. C’est le cas également pour la majorité des stratégistes de grandes banques qui sont passés de 5 à 7 en quelques jours. Si ce schéma venait à se mettre en œuvre, cela marquerait un début de cycle de resserrement monétaire, un des plus rapides depuis 2004 ; au risque que la lune de miel entre la Fed et les marchés prennent fin ?