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Guerre en Ukraine : Quels impacts ?
Calendar14 Mar 2022
Thème: Macro
Maison de fonds: ODDO BHF AM

Laurent DENIZE, Global CIO ODDO BHF Asset Management

Nous vivons des moments dramatiques, les scènes de guerre que nous observons aux portes de l’Europe sont bouleversantes et le risque de guerre nucléaire n’a jamais été aussi prégnant. Pour autant, essayons de ne pas céder à la panique, souvent mauvaise conseillère.

De manière très pragmatique, si un missile à tête nucléaire se dirige vers vous, la taille et la composition de votre portefeuille n'ont plus d'importance. Ainsi, d'un point de vue purement financier, vous devez ignorer le risque existentiel, même si vous vous en souciez beaucoup d'un point de vue personnel. Il faut donc s’extraire du risque ultime, sans pour autant occulter les nombreux risques extrêmes déjà largement commentés.

1. Retour sur les mouvements réalisés dans les portefeuilles

Depuis le 14 février et avant que la guerre ne soit déclarée, nous avons adopté un positionnement prudent et décidé de sous-pondérer les actions. Nous soulignons que nos fonds n’étaient pas et ne sont pas directement exposés aux actifs russes ou ukrainiens (actions, obligations)

Dans les portefeuilles actions, nous avons réduit le risque en ajoutant des liquidités, mais sans demander aux gérants de changer leur philosophie d'investissement. Nous avons également vendu les actions les plus illiquides afin d'éviter toute trappe de liquidité en cas de détérioration de la situation, en particulier pour les petites et micro-capitalisations.

Dans les portefeuilles obligataires, nous avons principalement travaillé sur la duration. Nous avons ainsi maintenu notre position courte mais nous avons ajouté des émetteurs Investment Grade sur des maturités courtes afin de limiter l’impact d’une possible baisse des taux, reflet d’une aversion aux risques.

Dans les portefeuilles diversifiés, nous avons pris deux séries de mesures. Tout d’abord, nous avons diminué le risque en allégeant l'exposition aux actions ou en vendant les obligations crédit à bêta élevé (obligations hybrides d'entreprise, dette subordonnée, cocos...). Ensuite, nous avons essayé de trouver des moyens de diversification : de l’or pour les mandats l’autorisant, des devises refuges JPY, CHF, USD, ou encore des options de couverture, tout en diminuant globalement l'exposition sur l'Europe par rapport au reste du monde.

Si les valorisations semblaient pour certains suffisamment attractives pour prendre le pari d’un rebond, nous avons préféré être prudents et avons réduit rapidement les expositions. À cet égard, nous avons réussi à traverser la période récente sans dommage collatéral majeur.

Qu’en est-il de nos stratégies aujourd’hui ? Nous ne pouvons pas être satisfaits de certaines stratégies qui sous-performent (actions fondamentales, actions quantitatives). Néanmoins, la performance récente s'améliore grâce à ce positionnement prudent. Coté obligataire, les performances se redressent fortement et nos fonds High Yield sont de retour en premier quartile sur 1 an et depuis le début de l’année. Les fonds thématiques résistent également bien, ce qui montre que le processus d'investissement à base d’intelligence artificielle est robuste.

2. Zones et secteurs à même de mieux résister dans cet environnement

Zones géographiques : Depuis le début du conflit, la performance relative des actifs européens a suivi l’évolution des prix du pétrole et du gaz naturel, alimentant la probabilité de stagflation en Europe. La hausse des prix de l'énergie est et va rester associée à une sous-performance des actions européennes, à une baisse de l' EUR/USD , à une baisse des rendements réels allemands par rapport aux États-Unis. Il est difficile de voir les prix de l’énergie reculer significativement quel que soit le scenario. L’exposition actions des portefeuilles doit, encore plus que d’habitude, être diversifiée au-delà de la seule zone euro. Cela ne signifie pas que nous augmentions fortement la pondération des Etats-Unis pour autant, tant les valorisations restent élevées dans ce contexte. A 19 fois les résultats anticipés à 12 mois, nous sommes loin d’une décote...

Sur les marchés émergents, nous repondérons la Chine. L’objectif de croissance fixé à environ 5,5 % est un signal très clair de la détermination des autorités à atteindre la stabilité économique cette année. Pour y parvenir, les responsables politiques mettent en œuvre une impulsion budgétaire importante d'environ 3 % du PIB. Par ailleurs, l’objectif annuel de réduction de l'intensité énergétique est complètement abandonné pour cette année afin de donner la priorité à la sécurité énergétique. Dernier point et non des moindres, nous observons les premières intentions d'abandon de la politique de tolérance « zero-Covid ». Dans ce contexte, nous favorisons donc les actions domestiques chinoises (A-shares), plus à l’abri d’un éventuel tour de vis règlementaire et plus à même de bénéficier des plans de relance d’infrastructure. Nous repondérons par ailleurs le secteur technologique chinois qui a sous- performé de 45 % sur un an son homologue américain.

Secteurs : Après un début d’année tonitruant, les banques ont subi de plein fouet la crise ukrainienne retraçant intégralement la surperformance de 20% en YTD. Que doit-on ou peut-on faire aujourd’hui ?

Regardons la période post choc énergétique de 1973. Les banques avaient plongé de 44% entre le 19 octobre 73 et décembre 1974 et n’ont retrouvé les niveaux pré- crise que 15 mois plus tard. La hausse du coût du capital pourrait impacter significativement la capacité à distribuer les revenus (rendement du dividende prévu aujourd’hui à 7,5%) et limiter le potentiel des banques.

Mais la possibilité évoquée d’un plan de relance « Défense et Energie » financé par une émission d’obligations européennes communes devrait permettre de limiter le ralentissement en Europe. Dans ce cadre, l’effondrement récent des valorisations à 49% de la valeur comptable autorisera bientôt un repositionnement stratégique de long terme. La pondération doit rester faible et en ligne avec la volatilité du secteur, soit moins de 5% d’un portefeuille.

Nous favorisons également un retour vers le secteur de la santé qui offre une bonne visibilité sur les cash flows futurs, un faible endettement et des valorisations raisonnables.

3. Axes majeurs de notre allocation d’actifs

Il n'y a pas de signe positif militant pour un changement de notre positionnement. Nous devons préserver le capital et il est trop tôt pour saisir des opportunités. Nous maintenons un positionnement défensif pour l’instant. Néanmoins, pour les portefeuilles benchmarkés, nous réduisons un peu l’écart par rapport aux benchmarks dans une volonté de prise de profit et de gestion du risque. Nous restons sous- pondérés sur les actions, notamment sur les petites capitalisations. Quant aux obligations à haut rendement, il est encore trop tôt pour réinvestir même si les spreads se sont fortement écartés.

Si nous ne savons pas comment cette situation va évoluer, soyez certains que les équipes sont pleinement engagées dans la gestion de vos investissements. Nous nous devons de rester calmes, flexibles et d’adapter nos stratégies à l'évolution de l'environnement. Il y a une forte probabilité que le pire soit à venir pour les Ukrainiens, mais laissez-moi espérer du fond du cœur que le pire ne soit pas certain.

Nous œuvrons à court terme, c'est certain, mais nous essayons aussi de mesurer les conséquences à long terme d'un tel conflit. Plus d’indépendance énergétique, moins de mondialisation, un nouveau régime d’inflation... signifieraient des changements substantiels dans les régions/secteurs/entreprises gagnantes et perdantes. Nous y travaillons déjà et vous ferons part de nos conclusions.

Permettez-moi de terminer par un message d'espoir et de paix.