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« Il est encore trop tôt pour parler de récession »
Calendar24 Apr 2022
Thème: Investir
Maison de fonds: Pictet
Rollin frederic
Frédéric Rollin

Frédéric Rollin souligne que l’inflation va rester au cœur des agendas pour les investisseurs durant les prochaines semaines. Il privilégie les actions chinoises et certaines thématiques porteuses (cybersécurité, luxe, transition climatique) sur les marchés boursiers.

L’inflation a occupé une grande partie de la dernière conférence économique et financière tenue par Frédéric Rollin (conseiller en stratégie d’investissement chez Pictet Asset Management). « Les prix agricoles ont monté de 34% depuis un an, en raison de la hausse des prix pour les engrais et des mauvaises récoltes. La Russie et l’Ukraine sont en outre de grands pays exportateurs. La hausse des prix pour les denrées agricoles expliquent environ 50% des révisions à la hausse de l’inflation mondiale ».

Inflation américaine

D’un autre côté des prix pétroliers, la Russie est également un grand exportateur au niveau mondial (environ 8 millions de barils exportés par jour). « Le rôle amortisseur du pétrole de schiste américain est aujourd’hui plus limité qu’il ne l’était il y a quelques années, car les opérateurs sont aujourd’hui plus prudents pour creuser de nouveaux puits. La production pourrait augmenter d’environ 900.000 barils durant le reste de l’année, ce qui sera largement insuffisant pour compenser les exportations russes ».

Dans l’ensemble, les révisions des attentes inflationnistes sont révisées très largement à la hausse, et devraient notamment dépasser 8% aux Etats-Unis avant de se tasser (si les matières premières n’augmentent pas davantage). « A plus long terme, les attentes d’inflation vont se fixer sur des niveaux plus élevés qu’auparavant. Dans ce contexte, la Réserve Fédérale se montre de plus en plus agressive dans un contexte où la hausse des prix va probablement entraîner un renversement des équilibres entre démocrates et républicains à l’occasion des élections de mi-mandat. La lutte contre l’inflation a aujourd’hui clairement pris le pas sur le maintien de la croissance ».

Fin du taux négatif

Pour le moment, Frédéric Rollin constate que la croissance américaine reste bien orientée, avec des indicateurs économiques qui sont sur des niveaux satisfaisants avec des niveaux d’endettement relativement faibles dans les ménages. « Ralentissement oui, mais nous ne parlons clairement pas encore de récession, avec une croissance des résultats qui est attendue proches de 10% pour l’année en cours. La tendance est toutefois à la baisse des attentes bénéficiaires pour les actions américaines ».

En Europe, des signes de dégradation sont également perceptibles, en particulier en Allemagne qui subit plus directement la hausse des matières premières. « L’Europe ne peut clairement pas encore se passer du gaz russe sans s’exposer à des rationnements. La pression sur la banque centrale est toutefois plus faible, avec une inflation salariale qui n’est pas encore problématique ». Il s’attend néanmoins à un abandon du taux directeur négatif d’ici la fin de l’année.

Status quo

« Au niveau de notre allocation d’actifs, nous sommes restés neutres tant sur les actions que sur les obligations, même si notre analyse de la situation est de plus en plus prudente. Nous avons toutefois réduit notre exposition sur les actions américaines en raison de la forte progression de l’inflation et du discours de plus en plus agressif de la Réserve Fédérale », souligne Frédéric Rollin. « Nous ne sommes pas encore au point où il faut devenir négatif sur les actions pour privilégier l’or ou les matières premières, mais nous nous en sommes rapprochés. En outre, la valorisation des actions européennes n’est clairement pas aussi tendue qu’aux Etats-Unis ».

Frédéric Rollin reste également positif sur les actions chinoises, avec des chiffres de consommation qui restent bien orientés ces derniers mois, avec une banque centrale qui a baissé ses taux pour relancer la demande intérieure, une croissance structurelle forte, et des valorisations qui restent attractives. « La politique du zéro Covid risque toutefois de se retourner contre le pays, avec un faible taux d’immunité et des vaccins relativement moins efficaces que ceux utilisés dans les pays occidentaux. A plus long terme, notre approche sur le pays reste très positive avec des dépenses en recherche et développement qui vont se traduire par une amélioration de la productivité et des marges dans le futur ».

Thématiques

Au niveau de l’exposition sectorielle des portefeuilles, il souligne que la thématique « value » a probablement réalisé l’essentiel de ses gains, et qu’il faut désormais s’intéresser à nouveau à certaines actions de croissance d’un point de vue tactique. « Dans ce domaine, nous pensons que les énergies propres disposent encore d’un potentiel de progression significatif, dans le cadre d’une transition climatique qui est appelée à s’accélérer durant les prochaines années, en particulier suite au déclenchement du conflit entre la Russie et l’Ukraine. Le thème de la sécurité énergétique est aujourd’hui au cœur de l’agenda des autorités européennes ».

Il apprécie également les sociétés qui sont capables de soutenir leur prix et leurs marges, comme par exemple les sociétés du luxe. « Ces groupes ont profité de l’épidémie de coronavirus pour développer leur activité en ligne, et sont exposés également à la thématique de la réouverture ». Enfin, le thème de la sécurité figure également parmi ses expositions préférées, une tendance qui est également favorisée par le conflit récent entre l’Ukraine et la Russie.

Au niveau obligataire, la situation actuelle ne plaide pas pour un retour rapide sur les marchés. « Il est encore trop tôt pour revenir sur l’obligation américaine à dix ans. Nous sommes toutefois redevenus neutre sur le marché du crédit, et nous maintenons une préférence pour le haut rendement à courte maturité. Nous maintenons également une position tactique sur le dollar et l’or ».