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Un atterrissage en douceur devient de plus en plus compliqué
Calendar17 Jun 2022
Thème: Macro
Maison de fonds: Ethenea

Par Andrea Siviero, Investment Strategist chez Ethenea

L’UE s’expose au risque d'une récession, tandis que les États-Unis, avec leur économie plus robuste et moins affectée par le conflit ukrainien, sont mieux armés pour faire face au durcissement des conditions financières. Un atterrissage en douceur demeure possible, mais devient de plus en plus délicat.

L’économie mondiale se situe à un tournant difficile, alors que l’incertitude atteint des niveaux très élevés. Dans un contexte de ralentissement de la croissance, d’inflation persistante et de resserrement des politiques économiques, la guerre en Ukraine et la vague de Covid en Chine créent de graves chocs stagflationnistes qui mettent à rude épreuve les responsables politiques et menacent l’expansion de l’activité.

Les risques baissiers entourant l’économie mondiale se sont nettement accrus depuis le premier trimestre. Le scénario de base de l'économie mondiale a été revu à la baisse, afin de prendre en considération l’essoufflement de la croissance et l’accroissement des tensions inflationnistes. Le FMI a ainsi revu son scénario principal de croissance mondiale à 3,6 % pour 2022, contre 4,4 % attendus dans sa prévision de janvier. La prévision d’inflation du FMI s'élève désormais à 5,7 % dans les pays développés et 8,7 % dans les pays émergents pour 2022.

La guerre en Ukraine et les sanctions occidentales qui en résultent, conjuguées aux confinements sanitaires en Chine, entraînent un choc négatif combiné de l’offre et de la demande, qui tire à la hausse les prix de l'énergie et des matières premières, assombrit la confiance des entreprises et des ménages, crée des contraintes dans les chaînes d'approvisionnement et perturbe le commerce international. Si ces chocs exogènes ne trouvent pas d’issue, les anticipations de croissance pourraient encore être revues à la baisse au cours des prochains mois.

Les indices des directeurs d'achats (PMI) confirment un essoufflement de dynamique au deuxième trimestre. Le PMI composite mondial est passé de 51,2 en avril à 51,5 en mai, avec un repli encore plus prononcé parmi les secteurs des services. Les contraintes sur les chaînes d'approvisionnement et les tensions sur les coûts demeurent élevées.

Les perspectives de croissance divergent en fonction des régions, en raison de cycles asynchrones, de différences entre les politiques économiques et des disparités entre les impacts du conflit ukrainien et du choc de l’énergie qui en résulte.

L'économie américaine fait preuve de résilience

L'économie américaine reste en bonne santé mais les dernières données indiquent un ralentissement au deuxième trimestre. Le marché du travail est également très bien orienté, avec un taux de chômage à 3,8 % et des salaires en rapide augmentation. La demande des consommateurs reste saine et les investissements des entreprises sont solides. L’inflation est élevée et s'installe dans la durée. Le taux d'inflation globale s’est établi à 8,3 % et l’inflation sous-jacente à 6% en mai.

La Fed a démarré un cycle agressif de resserrement monétaire, qui devrait vraisemblablement porter les Fed Funds à un taux neutre estimé à 2,5 % environ en fin d’année, en marge du resserrement quantitatif qui vient tout juste d’être lancé. Il est fort probable que la Fed durcira sa politique jusqu'à ce que l’inflation soit sous contrôle.

Zone euro : les tensions inflationnistes se multiplient

La situation paraît moins brillante dans la zone euro. La croissance de l'économie au premier trimestre a atteint le rythme poussif de 0,6 % en glissement trimestriel. À la suite du conflit en Ukraine, la Commission européenne a revu sa prévision de croissance 2022 de 4 % à 2,7 %. Les statistiques économiques parues récemment ont dépeint un bilan contrasté.

Les PMI se sont stabilisés au mois de mai, après avoir brutalement chuté en mars. Le marché du travail reste solide, avec un taux de chômage de 6,8 % et des augmentations de salaire modérées. Mais sous la surface, les effets du conflit ukrainien et des prix élevés de l'énergie se font bel et bien ressentir. La confiance économique dégringole, la production industrielle est entravée par les perturbations de chaînes d'approvisionnement et les prix élevés de l’énergie, et les commandes diminuent.

En mai, l’inflation, tirée par les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, s’est établie à son plus haut sommet historique (8,1 %) mais le phénomène est maintenant en train de s'étendre à d'autres secteurs. Par conséquent, l’inflation sous-jacente des prix à la consommation (IPC) a également accéléré à 3,8 %.

La BCE centrale a annoncé qu’elle mettra un terme à son programme d'achats d'actifs à compter du 1er juillet 2022 et qu’elle augmentera les taux d’intérêt directeurs de 0,25%. Elle prévoit un nouveau relèvement des taux d’intérêt directeurs en septembre et a laissé la porte ouverte à une augmentation plus importante de 50 pb en cas d'aggravation de la situation de l'inflation.

Toutefois, compte tenu du ralentissement de l'économie et des risques élevés de fragmentation du marché (écarts de rendement entre le centre et la périphérie), la BCE devra maintenir une approche flexible.

Malgré l’optimisme suscité par la réouverture des économies et le début de la saison touristique, les obstacles liés au conflit en Ukraine, à l’inflation en hausse, au resserrement de la politique monétaire et au ralentissement de la conjoncture en Chine devraient continuer de freiner la performance économique de la zone euro.

Chine : forte contraction de l’économie en avril

L'économie de la Chine ralentit depuis quelque temps déjà et a subi une contraction brutale en avril en raison des confinements lié au Coronavirus. La Banque populaire de Chine (PBoC) est en train d’accélérer ses injections de liquidités et de réduire ses taux en vue de soutenir l’activité. La politique budgétaire reste très accommodante. Selon nous, les aides publiques devraient commencer à faire effet peu à peu et leur impact sur la croissance économique se verra probablement au plus tôt au second semestre 2022.

Mais la Chine peine à concilier sa politique sanitaire, qui vise à contenir strictement les foyers de contaminations au Covid, avec le soutien apporté à son économie chancelante. Alors que les autorités ont récemment mis fin, à titre provisoire, à leurs mesures strictes de confinement, cet état de tension pourrait bien continuer à entraver la croissance dans les mois à venir, et l’économie chinoise aura du mal à atteindre l’objectif officiel de croissance de son PIB de 5,5 % cette année.

Une récession peut-elle être évitée ?

Les tendances défavorables se renforcent pour les économies américaine et européenne.

Face à un choc stagflationniste majeur, à sa dépendance accrue envers l'énergie russe et à une marge de manœuvre budgétaire limitée, l’UE s’expose au risque d'une récession. Avec leur économie plus robuste et mieux isolée du conflit ukrainien, les États-Unis sont mieux armés pour éviter cette issue.

Cela étant, la trajectoire de la Fed est extrêmement réduite et le risque d’erreur politique (sous la forme d'un resserrement excessif) ne doit pas être sous-estimé.