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La Corée du Sud, indicateur du commerce et de la croissance mondiaux
Calendar27 Sep 2022

Par Christopher Dembik, Head of Macro Analysis chez Saxo

Christopher dembik
Christopher Dembik
Le repli que subit l’industrie manufacturière mondiale met à mal tous les grands exportateurs du monde. Selon nous, les pays les plus vulnérables sont la Corée du Sud, l’Allemagne et les États-Unis. Mais il y a plus : la situation pourrait encore se détériorer si la surévaluation actuelle du dollar provoque une crise monétaire mondiale.

L’intervention de la Banque du Japon et du ministère japonais des Finances sur le marché des changes la semaine dernière n’est peut-être que le début d’un plus grand interventionnisme.

Les exportations de la Corée du Sud ont chuté de 8,7 % au cours des vingt premiers jours de septembre par rapport à la même période de l’an dernier. Cette évolution est importante car la Corée du Sud est considérée par les économistes comme un indicateur du commerce et de la croissance mondiaux. Cette chute s’explique à la fois par des effets de vacances (le pays fête le Chuseok du 9 au 12 septembre) et par le ralentissement de la croissance chez les principaux partenaires commerciaux.

Sur la même période, les exportations vers le Japon ont diminué de 8,2 % et celles vers la Chine ont dégringolé de 14 %. Ce dernier chiffre témoigne du degré de ralentissement de l’économie chinoise. Les exportations vers le Vietnam chutent quant à elles de 12,9 %. Ce pays du Sud-Est asiatique est un partenaire commercial majeur de la Corée du Sud. De nombreuses entreprises sud-coréennes de haute technologie (Samsung notamment) y font assembler des composants, une tendance qui s’est accéléré ces dernières années en raison de la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine.

Un repli dans l’industrie manufacturière mondiale

La contre-performance du commerce sud-coréen n’est qu’un indicateur commercial négatif parmi de nombreux autres publiés ces dernières semaines. Épinglons ainsi celui des taux spot des conteneurs, qui se dirige vers un atterrissage brutal. L’indice de référence Shanghai Containerized Freight Index est en baisse de 58 % depuis janvier et les taux spot ont chuté de quelque 10 % pour la quatrième semaine consécutive. Il s’agit de l’indicateur de taux le plus surveillé pour le fret maritime en provenance de Chine.

Cette baisse ne s’explique pas seulement par l’effet de la politique zéro covid chinoise sur le commerce : elle reflète avant tout un ralentissement de la demande mondiale. Le Drewry World Container Index donne une image similaire. Cet indice composite, qui reflète les taux de fret maritime sur huit grandes routes reliant les États-Unis, l’Europe et l’Asie, affiche un repli pour la 30e semaine consécutive. Il se situe à présent à 57 % sous le niveau de la même période de l’année dernière.

Récession mondiale ou pas, il semble évident que l’effondrement de l’industrie manufacturière mondiale va affecter à tous les grands exportateurs du monde, de la même manière qu’ils ont bénéficié d’un boom massif en 2020-21. Pendant la crise sanitaire, les consommateurs ont réagi en faisant des réserves de produits essentiels, ce qui a entraîné des pénuries. Les chaînes d’approvisionnement ont dû augmenter leur production pour faire face à l’augmentation sans précédent de la demande.

Aujourd’hui, la demande diminue en raison de l’augmentation du coût de la vie et des craintes de récession. Les plus grands exportateurs du monde sont dans une situation difficile. Selon nous, les pays les plus vulnérables sont la Corée du Sud, l’Allemagne (où le secteur manufacturier est frappé par une augmentation de 139 % de la facture énergétique en glissement annuel), ainsi que les États-Unis.

Le début d’une crise monétaire mondiale ?

Le risque d’une crise monétaire mondiale est un autre casse-tête pour les exportateurs. Si une devise faible profite généralement aux exportations, une faiblesse monétaire excessive augmente souvent le coût des biens intermédiaires et de l’énergie pour les pays qui en dépendent pour leur approvisionnement extérieur. La semaine dernière, le Japon est intervenu sur le marché des changes pour endiguer la dépréciation du yen, avec la bénédiction du Trésor américain.

Toutefois, cette intervention a peu de chances de réussir à moins d’une intervention coordonnée des États-Unis, de l’Europe, du Japon et du Royaume-Uni, comme nous l’avons vu lors de l’accord du Plaza en septembre 1985. D’autres pays privilégient des options moins coûteuses, car les interventions sur le marché des changes épuisent les réserves de change et sont rarement fructueuses à long terme. Ils offrent par exemple une protection contre les risques de change aux entreprises les plus exposées. C’est la voie qu’a choisie la Corée du Sud. Le 23 septembre, le gouvernement a décidé d’utiliser le fonds d’égalisation des changes du pays pour répondre aux demandes de couverture de change des entreprises de construction navale pour leurs commandes étrangères.

Comme la volatilité des devises augmente dans un environnement de dollar surévalué, les pays et les banques centrales devraient être de plus en plus nombreux à vouloir freiner la dépréciation de leur devise. Mais il est douteux que cela suffise à relancer l’industrie manufacturière mondiale.