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Emploi aux États-Unis : pourquoi les licenciements commencent
Calendar18 Nov 2022
Thème: Investir

Par Christopher Dembik, Head of Macroeconomic Research chez Saxo

L’indice du coût de l’emploi américain révèle que les pressions inflationnistes sur les entreprises s’estompent enfin, mais pas pour de bonnes raisons.
Christopher dembik
Christopher Dembik,

La machine narrative du marché est fascinante. En 2022, la narration du marché baissier évoquait « le choc de l’inflation, le choc des taux et le choc de la récession ». Pour 2023, cette narration est plutôt haussière. Les analystes s’attendent à ce que l’inflation se tasse mais reste collante, qu’une légère récession affecte la plupart des économies développées et que les banques centrales augmentent encore légèrement les taux (probablement jusqu’au début du deuxième trimestre) avant de faire une pause jusqu’à la fin de l’année. Il est certainement trop tôt pour connaître l’ampleur de la récession et savoir si les États-Unis parviendront à l’éviter. C’est un débat permanent parmi les économistes.

Mais on distingue des signes précurseurs d’un recul de l’inflation, du moins aux États-Unis. Ce n’est pas le cas au Royaume-Uni, par exemple, où l’IPC d’octobre a atteint 11,1 % en glissement annuel. Aux États-Unis, la hausse des salaires reflétant les déséquilibres liés à la covid, à la pénurie de travailleurs et à l’étroitesse du marché du travail expliquait en partie la hausse des prix. À présent, cette situation est en train de s’inverser. Au cours des dernières semaines, d’importantes vagues de licenciements ont été annoncées dans le secteur technologique (Meta, Stripe, Paypal, Microsoft , Amazon , etc.). Mais ce mouvement ne touche pas que les technologiques. D’autres entreprises sont concernées, comme le promoteur immobilier Redfin et le groupe logistique C.H. Robinson , notamment.

Pour comprendre pourquoi les licenciements commencent maintenant, nous devons d’abord comprendre la séquence de l’économie. L’emploi est un indicateur retardé bien connu. Dans le passé, il est arrivé que les pertes d’emploi ne surviennent que plusieurs mois après l’entrée en récession de l’économie – 8 mois après le début officiel de la récession de 1974, par exemple. Mais certains secteurs sont plus sensibles que d’autres à la hausse des taux, ce qui peut aider à prédire si des licenciements massifs sont à craindre. C’est notamment le cas du marché du logement – on a d’ailleurs coutume de dire que le marché du logement correspond au cycle économique aux États-Unis.

Avec le refroidissement du marché résidentiel entamé début 2022, la consommation d’articles liés à l’achat d’un logement diminue également, avec un certain décalage. Pensons aux appareils ménagers, aux outils de construction de maisons, etc. Le ralentissement du secteur résidentiel se propage au reste de l’économie, ce qui exerce une pression sur les grands biens durables et donc sur l’industrie qui transporte ces biens dans le monde. Cela explique pourquoi C.H. Robinson a licencié 650 employés il y a une semaine. Et, à notre avis, ce n’est encore que le début.

Les licenciements massifs à venir signifient que la chute des augmentations salariales, qui vient de commencer, va se poursuivre dans les prochains mois. Le graphique ci-dessous reprend les plans de rémunération de la National Federation of Independent Business (NFIB) et l’indice du coût de l’emploi. Seules 23 % des petites entreprises prévoient d’augmenter les salaires au cours des trois prochains mois.

Ce chiffre est bien inférieur à celui d’il y a quelques mois (lorsqu’il culminait à 32 %). Les pratiques de rémunération des petites entreprises ont tendance à entraîner une croissance salariale plus large. Par conséquent, nous pouvons nous attendre à ce que l’indice du coût de l’emploi, qui a commencé à ralentir récemment, poursuive son mouvement de baisse, probablement bien en dessous de 4 % jusqu’en 2023. Cette tendance pourrait finalement atténuer les pressions inflationnistes et ouvrir la porte à un ralentissement du rythme des hausses de taux de la Fed. Cette perspective fait écho au commentaire fait par Lael Brainard, vice-présidente de la Fed, en début de semaine : « Il conviendra probablement bientôt de ralentir le rythme des hausses. »

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