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Les hommes du président: investir dans la Chine de Xi Jinping
Calendar22 Nov 2022
Thème: Chine
Maison de fonds: Pictet

Par Lan Wang Simond, Senior Investment Manager Pictet Asset Management.

La Chine a initié une transformation économique qui est incontestablement la plus remarquable de l’histoire.

Depuis son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce en 2001, le pays a doublé son PIB par habitant tous les huit ans, triplé ses dépenses en Recherche et Développement et il s’est converti en leader mondial des technologies environnementales, de la 5G et de l’intelligence artificielle. Son économie pourrait encore grimper à la première place du classement mondial d’ici à la fin de cette décennie.

Rien de tout cela n’aurait été possible sans un petit groupe de réformateurs économiques chinois qui ont joué un rôle majeur dans la métamorphose du pays.

En effet, les arguments de Pictet Asset Management en faveur de l’investissement en Chine reposent, en partie, sur la conviction que les technocrates favorables au marché exercent une influence durable sur le régime communiste. Le moteur de l’Asie se serait appuyé sur leur expertise pour, en quelques années, se transformer en terrain de chasse propice aux investisseurs internationaux.

Pourtant, des événements récents laissent entendre que nous devrions peut-être revoir nos attentes: la deuxième économie mondiale semble maintenant prendre un cap différent.

La refonte du leadership dévoilée lors du Congrès du Parti communiste en octobre ouvre une nouvelle ère que nous n’avions pas envisagée et qui verra le président Xi Jinping assumer un contrôle quasi total de la politique gouvernementale. Avec la validation d’un historique troisième mandat présidentiel, Xi a surpris jusqu’aux observateurs politiques les plus chevronnés en plaçant ses partisans dans des organes politiques stratégiques chinois: le Comité permanent du Politburo et, plus largement, le bureau politique et ses 24 membres. Cette décision sape quelque peu le système de contre-pouvoir qui a régi la politique chinoise ces 20 dernières années. Elle annonce également un avenir dans lequel la « prospérité commune » dirigée par l’État de Xi éclipsera la poursuite de la croissance du secteur privé.

Dès lors, les investisseurs en actifs chinois font face à des choix difficiles.

Le désinvestissement est une option tentante. De nombreux investisseurs pourraient en conclure qu’avec une gestion économique à la fois plus centralisée et moins transparente, les marchés financiers chinois seront tout simplement trop volatils à l’avenir, indépendamment des performances qu’ils pourraient générer. En outre, le maintien probable de politiques ayant récemment freiné la croissance (zéro Covid, répression réglementaire vis-à-vis des grandes entreprises très rentables et supervision inefficace d’un marché immobilier en difficulté) ne constitue pas vraiment la recette du succès pour les investissements.

Parallèlement, l’accent renouvelé que le président Xi place sur la réduction des inégalités sociales et la maîtrise des patrimoines excessifs risque fort de déplaire au gotha du monde des affaires en Chine. Une entreprise générant une rentabilité des capitaux propres supérieure à 15% pourrait en effet attirer l’attention des régulateurs.

Sortir de la Chine n’est toutefois pas la seule option. Il serait peut-être plus sage pour les investisseurs d'aligner leurs avoirs sur les priorités à long terme du gouvernement chinois. C’est notre positionnement par défaut, notamment parce que nous pensons qu’on ne peut ignorer une Chine déjà trop importante et trop profondément ancrée dans l’économie et le système financier mondiaux. Dans la pratique, cela impliquerait des allocations de capitaux dans les sociétés de secteurs que Pékin considère comme stratégiques. Celui des énergies propres, qui reste une priorité de développement pour le gouvernement, en fait partie. Selon les analystes, la croissance des bénéfices dans le secteur des énergies renouvelables devrait largement dépasser celle de la plupart des autres sociétés au cours des années à venir. Ils ont par ailleurs indiqué que le président Xi avait profité du Congrès du Parti communiste pour renouveler l’engagement de la Chine à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2060.

La médecine est un autre secteur offrant un bon potentiel d’investissement et la Chine y acquiert rapidement un avantage concurrentiel. Chaque année, quelque 4,7 millions d’ingénieurs sortent des universités du pays, ce qui lui confère un avantage majeur dans la conception de technologies complexes, telles que les biotechnologies, les sciences de la vie et la chirurgie robotique. En outre, si le gouvernement réussit à rééquilibrer l’économie en tournant le dos aux exportations au profit de la consommation intérieure, nous pourrions vivre une période particulièrement fertile pour les entreprises chinoises des secteurs de la consommation et de la finance.

Cependant, rien de tout cela ne minimise les nouvelles complexités liées à l’investissement en Chine. Compte tenu du changement de priorités et d’approche du gouvernement, les actions et obligations chinoises seront susceptibles d’intégrer une prime de risque politique plus élevée, au moins à court terme et éventuellement à long terme.

Le manque de données fiables vient encore compliquer davantage la situation. Sous le régime de Xi, la Chine a réduit le nombre de statistiques économiques accessibles au public d’environ trois quarts, ce qui signifie que les investisseurs vont devoir comprendre la politique chinoise de façon beaucoup plus approfondie. C’est un engagement colossal pour tous ceux qui ne disposent pas de ressources sur le terrain.

Néanmoins, il est tout aussi évident que la Chine ne pourra espérer atteindre ses objectifs sans capitaux étrangers. Son déficit budgétaire croissant, actuellement de 1 000 milliards de dollars US, et ses ambitions industrielles élevées sont de puissantes incitations pour le maintien des flux d’investissements internationaux. Les investisseurs étrangers continueront donc à voir apparaître de nouvelles opportunités. Dès lors, la Chine, ses actions, ses obligations et sa devise devraient rester une composante clé de tout portefeuille d’investissement mondial.