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La prudence reste de mise sur les résultats
Calendar27 Apr 2023
Thème: Investir
Maison de fonds: ODDO BHF AM

LES PERSPECTIVES ECONOMIQUES ET FINANCIERES :
Laurent Denize (ODDO BHF Asset Management)

Avec une récession qui s’annonce aux Etats-Unis, Laurent Denize estime que les actions américaines doivent être actuellement sous-pondérées au profit des actions chinoises et japonaises. Le haut rendement offre également une rémunération adéquate face aux risques pesant sur l’économie.

Laurent Denize (co-CIO pour le groupe ODDO BHF) était récemment de passage à Bruxelles pour présenter ses perspectives macroéconomiques pour les prochains mois. « Les conséquences du resserrement de la politique monétaire va rester le paramètre clef qui va peser sur l’allocation d’actifs. La forte hausse des taux directeurs est en train d’avoir des effets de bord désagréables, comme la faillite de la Silicon Valley Bank ou la fusion forcée entre Credit Suisse et UBS ».

Laurent denize
Laurent Denize

Risque d’erreur

Il pointe que nous ne sommes pas non plus à l’abri d’une erreur dans le pilotage de la politique monétaire. « Est-ce que la Fed va continuer de mettre la lutte contre l’inflation en haut de ses priorités, ou est-ce qu’elle va plutôt privilégier la stabilité du secteur financier ? Quoi qu’il en soit, je m’attends à ce que cet environnement entraîne un durcissement des conditions d’octroi du crédit, et donc un ralentissement économique. Nous avons récemment relevé notre probabilité de récession aux Etats-Unis vers 65% d’ici la fin de l’année ».

Il souligne également que si les dépenses de consommation ont jusqu’ici bien tenu, les conditions pourraient ici aussi changer rapidement. « La relation entre le niveau de l’inflation et une hausse du chômage est en train de se mettre en place, et le taux de chômage pourrait progresser de manière assez conséquente durant les prochains mois ».

Il souligne également que l’inflation cœur reste très élevée, notamment pour les produits alimentaires. « La hausse des salaires est une bonne chose, mais est loin de compenser la baisse du pouvoir d’achat, en particulier pour les classes moins favorisées qui dépensent relativement beaucoup plus (jusqu’à 20%) de leur budget mensuel pour s’alimenter ».

Complaisances

En outre, les ajustements sur les bénéfices n’ont été intégrés que partiellement (aux Etats-Unis) ou pas du tout (en Europe). « Pratiquement tous les secteurs boursiers européens sont sur des niveaux de marges historiquement très élevés ». Il pointe notamment les risques importants qui continuent de peser sur les valeurs immobilières, qui doivent vendre des actifs dans des conditions défavorables pour faire face à la hausse des coûts de leur dette. Les enquêtes montrent qu’il va être désormais plus difficile de relever les prix, avec un risque significatif pour les bénéfices durant la seconde partie de 2023 ».

Dans l’ensemble, Laurent Denize estime donc que les marchés font actuellement preuve de beaucoup de complaisance en anticipant que le taux de chômage ne va pas augmenter, que les marges bénéficiaires vont se maintenir, ou que la Fed pourrait descendre son taux directeur avant la fin 2023. De même, le risque d’une dispute entre les Républicains et les Démocrates n’est pas un facteur à négliger, au vu de la polarisation extrême entre les deux blocs parlementaires aux Etats-Unis. « Nous risquons d’avoir des périodes de forte volatilité pour les actifs financiers américains, un risque qui est actuellement ignoré par le marché ».

Opportunités sélectives

Les marchés boursiers doivent actuellement être sous-pondérés dans les portefeuilles, avec toutefois quelques expositions à privilégier, notamment sur les actions chinoises (en particulier via des sociétés européennes fortement exposées sur ce pays) ou japonaises. « Dans ce dernier pays, le changement d’orientation de la politique monétaire va profiter à l’activité économique, avec une trajectoire sur les résultats qui devrait être attractive ».

Laurent Denize souligne qu’il n’est aujourd’hui plus possible d’investir sur les valeurs technologiques comme en 2021, et qu’il faut donc se montrer beaucoup plus sélectif. « Nous pensons toutefois qu’il reste des opportunités significatives sur des segments tels que l’intelligence artificielle, le développement du cloud ou les semi-conducteurs, qui devraient permettre de compenser le ralentissement attendu de la croissance ».

Haut rendement

« Après la forte performance que nous avons connue sur les marchés boursiers depuis le début de l’année, je pense qu’il est aujourd’hui urgent d’attendre, notamment au vu de la dégradation attendue des marges bénéficiaires. Des secteurs comme le luxe, les télécoms ou les soins de santé se montreront plus résilients face à cette menace. A l’inverse, l’immobilier, la chimie ou les moyennes capitalisations industrielles semblent présenter des risques importants pour les prochains mois ».

Au niveau du portefeuille obligataire, il rappelle qu’il est faux de penser qu’une baisse des taux est positive pour le crédit si les marchés commencent à intégrer le risque d’une récession (et d’une hausse des taux de défaut). « Seul le segment du haut rendement offre aujourd’hui suffisamment de rémunération pour compenser la hausse des différentiels de taux, en particulier sur des échéances courtes. Ce positionnement donne aujourd’hui une bonne position d’attente ».